« Saint François d’Assise »
Ni exhaustive ni synthétique, cette biographie du fondateur de l’ordre franciscain vaut le détour pour la langue à la fois onctueuse et tranchante de son auteur, G. K. Chesterton (1874-1936), restituée dans la belle traduction originelle d’Isabelle Rivière, soeur d’Alain-Fournier et épouse de Jacques Rivière. C’est un tout nouveau catholique qui écrit, en 1923, cette vie de saint. Un an après sa conversion, Chesterton n’a pas la mémoire courte. Il se souvient qu’il fut un ancien plaisantin rationaliste, ce qui lui permet de contrer tout en rondeur les mises en doute que le non-croyant ne manquera pas de lui opposer. Chesterton replace saint François d’Assise dans la lumière de son époque, le début du XIIIe siècle, où bouge « quelque chose de vivifiant bien que de glacé encore, comme un vent qui souffle entre les déchirures des montagnes ». À travers le récit d’épisodes choisis, il déboulonne quelques clichés, notamment sur le prétendu amour du saint pour la nature, qui était en réalité, selon lui, une passion pour la Création, « passage du non-être à l’être ». Avec un sens du trait qui fait mouche, il donne à sentir la force de vie d’un précurseur au « tact brusque », soucieux de l’égalité des hommes, comparable à un humoriste anglais car « toujours de bonne humeur, qui suit sa propre route et fait ce que personne d’autre n’eût fait. » Une phrase que Chesterton aurait pu reprendre à son compte, et qui révèle en beauté le legs du saint du Moyen Âge chez cet écrivain décidément toujours intéressant à redécouvrir.
Marine Landrot