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En librairie le 17 novembre 2023
Nous célébrerons en 2024 le centième anniversaire de la naissance d’André du Bouchet or il n’est pas une ligne de ce livre, initialement publié au Bruit du temps en 2011 et que nous reprenons pour cette occasion dans notre collection « Poésie en poche », qui ne nous paraissent aussi neuves, justes, vivifiantes que si elles avaient été écrites hier.
Une lampe dans la lumière aride reproduit une grande part des carnets que le poète tint presque quotidiennement entre 1949 et 1955. Après les années de formation intellectuelle et d’exil que furent celles de sa vie aux États-Unis, du Bouchet découvre, au cours de cette période d’intense création poétique, ce qui deviendra sa propre voix. Sous la plume du jeune homme qui rêve d’abord de devenir poète, on voit, en l’espace de quelques mois, la métamorphose s’opérer. Alors que les premières notes sont encore souvent des transpositions de rêve, donnant lieu à des ébauches poétiques qui pourraient faire penser au surréalisme, la tonalité se singularise soudainement, lorsque du Bouchet décide de ne plus consigner aucune mention biographique, ni aucun événement immédiatement identifiable. Ce ne sont plus alors que des « annotations sur l’espace », comme il l’écrira lui-même plus tard, c’est-à-dire des formulations toujours nouvelles disant comment la perception humaine s’inscrit dans une relation première avec l’espace et se manifeste à travers le temps. La marche a remplacé le rêve.
Pour la période considérée, le choix des passages retenus est beaucoup plus large que celui qu’André du Bouchet lui-même avait entrepris dans ses propres livres parus chez Fata Morgana : Carnet, Carnet 2 et Annotations sur l’espace (non datées).
Les passages transcrits ont été choisis par Clément Layet, auteur du volume de la collection « Poètes d’aujourd’hui » que les éditions Seghers avaient consacré à du Bouchet en 2002.
L’AUTEUR
Avant de se consacrer à la poésie, André du Bouchet (1924-2001) avait d’abord poursuivi des études aux États-Unis, où il avait émigré avec sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale. Revenu en France en 1948, bibliothécaire et chercheur au CNRS, membre du comité de rédaction de Transition, la revue littéraire d’Eugène Jolas, il rencontre Pierre Reverdy et Francis Ponge qu’il admire. Il se lie bientôt avec ses contemporains Jacques Dupin, Yves Bonnefoy et Paul Celan avec qui il fondera la revue L’Ephémère.
En librairie le 1er mars 2024
176 pages
19 euros
Au cœur de ce nouveau roman de Cécile Wajsbrot, il y a un souvenir d’enfance, celui d’une disparition. Une femme se souvient d’une autre femme qui apparaissait parfois chez ses parents avant de s’en aller au loin pour de longues périodes, et dont ne lui reste qu’une ancienne photographie. À chacun de ses retours, elle apportait dans la vie de l’enfant un parfum d’aventure. Un jour, celle qui était à ses yeux la fée des voyages n’est plus revenue. Elle était hôtesse de l’air et avait (l’enfant ne le saura que beaucoup plus tard) perdu la vie dans une catastrophe aérienne en 1961, son avion s’étant écrasé dans le désert algérien. L’histoire de cette femme, depuis des années, obsède la narra- trice comme une blessure non refermée. Au point que cet accident est devenu, écrit-elle, « le point de fuite de son existence, ce qui lui donne son unité », alors même qu’à chaque tentative qu’elle a faite pour s’approcher de ce mystère, elle a eu le sentiment d’aborder un domaine interdit. L’enquête qu’elle poursuit néanmoins est le fil rouge du livre et conduira la narratrice à découvrir que le crash de cet avion d’Air France, en Algérie, à cette date n’est peut-être pas un accident...
Mais la beauté du roman, sa richesse, vient de ce que Cécile Wajsbrot parvient à rendre à cette histoire particulière, somme toute banale comme l’est toute mort accidentelle, la dimension d’une tragédie — ou plutôt d’un « opéra » contemporain. À l’origine du récit tragique, il y a cet appel, ce besoin de répondre à une question restée sans réponse que la romancière met en scène au début du livre, dans une très belle ouverture, en montrant que sa narratrice ne fait que reprendre l’antique rôle du coryphée qui se détache du chœur pour prendre la parole. Son rôle va être de redonner vie à ceux qui manquent, aux personnes disparues ou absentes. Mais ce personnage qui semble sorti de l’antiquité dirige bientôt ses pas vers l’escalator d’un centre d’art contempo- rain, à la suite d’une visiteuse qui découvre une installation vidéo de Hito Steyerl, annonçant le thème du roman : After the crash. Manière d’affirmer, comme Cécile Wajsbrot le fait dans ses essais, que « la littérature est semblable au tissage de Pénélope » et que, de son origine à nos jours, elle n’a cessé de faire et défaire la même toile sans fin. Et, tout au long du livre, ensuite — comme souvent chez elle — un chœur de voix invisibles va venir commenter et enrichir le récit principal d’un contrepoint de variations sur le thème du voyage aérien, du désir que, depuis Icare, les hommes ont toujours eu de voler, de leur goût pour le ciel et les oiseaux qui le peuplent, de la chute et du passage dans l’autre monde. Et c’est bien, en définitive, le mystère de la destinée humaine que la romancière aura, une fois de plus, sondé.
En librairie le 1er mars 2024
250 pages
24 euros
Les trente essais que Cécile Wajsbrot a réunis ici ont été écrits pour des publications en revue, ou lus à l’occasion de colloques en Alle- magne, en France et dans d’autres pays d’Europe au cours de ce nou- veau siècle. Aussi divers qu’ils soient en apparence, par leurs sujets — d’un voyage en Corée à un trajet entre Dresde et Francfort, du Grand Meaulnes à un roman de Christa Wolf, de Victor Hugo à Imre Kertész, du Conte du Graal à la science-fiction — ce qui frappe, à leur lecture, c’est la cohérence d’une réflexion sur l’art du roman que Cécile Wajsbrot avait déjà exposée dans Pour la littérature publié aux éditions Zulma en 1999, et qu’elle ne cesse depuis d’approfondir et d’enrichir de son expérience de romancière. De par ses origines et son histoire familiale — la mort à Auschwitz de son grand-père arrêté à Paris par la police française lors d’une rafle — l’auteur de Beaune la Rolande et de Mémorial a fait dès l’enfance l’expérience indélébile du décalage entre le discours officiel sur la résistance qu’on lui enseignait à l’école et le récit familial qu’elle entendait à la maison. Ce qui l’a amenée très tôt à s’interroger sur le silence dont à ses yeux, s’est rendue coupable, en France toute la littérature de l’après-guerre : « Après la catastrophe, après Auschwitz, ceux qui ne voulaient rien savoir et détournaient les yeux et ceux dont la confiance en l’humanité avait volé en éclat — se rejoignaient dans un même silence et dans un même soupçon, met- tant en doute en littérature — et plus précisément dans le roman le personnage, l’intrigue, l’histoire, pour ne sauver que le langage. Autre- ment dit, par intérêt ou par désolation, ceux qui n’avaient “rien vu à Hiroshima” — pour reprendre la phrase de Duras — et ceux qui avaient tout vu érigeaient autour de la question de la responsabilité, individuelle et collective, un grand mur de silence et continuaient d’écrire à l’abri de ce rempart, préservant ainsi leur tranquillité ou leur équilibre précaire. » À partir de ce constat, — et du fait qu’il en est allé autrement en Allemagne, raison pour laquelle elle se sent plus chez elle à Berlin qu’à Paris — il s’agit inlassablement, pour Cécile Wajsbrot, de déterminer ce que peut et doit être la littérature pour la génération de ceux qui sont venus « après-coup », c’est-à-dire qui n’ont connu Auschwitz qu’à travers les témoins. Et donc de mettre fin à l’ère du soupçon, de faire à nouveau confiance à la lit- térature telle qu’elle s’est constituée depuis des siècles — de Pline faisant le récit de l’éruption du Vésuve à Svetlana Alexeievitch témoignant de celle de Tchernobyl — et à sa capacité de faire face à l’événement, de dire la catastrophe. « Le jour d’après », dans l’essai qui donne son titre à ce recueil, c’est le jour d’après les événements (en l’occurrence ceux du Bataclan à Paris, en novembre 2015), et c’est la question qui se pose à l’écrivain lorsque l’événement vous fixe et vous pétrifie et vient frapper d’inanité, temporairement, votre travail en vidant les mots de leur sens. Et la réponse, c’est bien le recours à la littérature, admettre que l’unique ressource, ce sont les mots déjà écrits, les livres de la bibliothèque, plonger « dans les eaux profondes de la littérature » : « À l’écoute de cette autre musique, cette musique nécessaire, nous pourrons alors faire abstraction de la musique facile entonnée par l’air du temps. Ce sera la parole magique qui fera sortir du cercle ensorcelé des mots et des pensées obligées, qui donnera une autre mesure de la langue et du temps. »
En librairie le 15 mars 2024
160 pages
9 euros
Le titre fait référence à la chambre 39 de l’hôtel du Grand Miroir, dans la rue de la Montagne, à Bruxelles, que Baudelaire occupa à la toute fin de sa vie, de juillet 1864 à juillet 1866. Car ce à quoi Gilles Ortlieb a souhaité se confronter en écrivant cet essai, c’est à l’énigme que pose la vision d’un poète non pas dépossédé tout à fait de ses propres res- sources d’imagination, mais sous l’emprise de deux aspirations contra- dictoires : la fuite (de Paris, du travail, de soi) et la recherche (de soi, d’un livre et, en définitive, de la mort). Après s’être beaucoup documenté de façon à pouvoir étayer son texte de détails ininventables, il s’est donc proposé d’accompagner, avec les moyens du bord, les mois passés par Baudelaire en Belgique de reprendre ligne à ligne le livre que l’auteur des Fleurs du mal avait projeté d’écrire pendant et sur son séjour, de localiser les quelques traces de son passage encore visibles ici et là, d’imaginer et de conjecturer, lorsqu’elles avaient disparu, ce qu’avait pu être son existence ; et de reformuler, encore et encore, la question suivante : « Comment expliquer qu’il ait laissé perdurer, jusqu’à une désarticulation mentale complète, une situation qui engen- drait chez lui un tel mal-être, de telles frustrations ? » Il y a là un nœud existentiel qu’Ortlieb décortique avec l’empathie de qui semble avoir lui-même souffert de pareille procrastination. Il parvient, en tout cas, à restituer avec une précision quasi hypnotique, l’état d’esprit d’un Baudelaire confit dans son rejet, alors même qu’il avait d’abord espéré, en venant à Bruxelles, y trouver les ressources nécessaires à un sursaut dans sa vie d’écrivain. Sans doute parce que « peu a changé en somme » et que lui-même a arpenté, inlassablement, cent quarante ans plus tard, les mêmes lieux, éprouvant parfois les mêmes vertiges : « la foule des dimanches matin ondoie au pied de la tour du Midi pour se frayer un chemin entre les vendeurs de tapis de voiture, de tabac de la Semois, de livres à colorier, d’assortiments de tournevis, et d’animaux en peluche fluorescente. De temps à autre, le sol, imperceptiblement, vibre au passage d’un train sur les talus ou d’un convoi souterrain, les odeurs de friture rivalisent avec des effluves de fleur d’oranger et de barbe à papa, et des filets d’urine stagnent dans les tunnels et les recoins pendant que des réfugiés d’Europe centrale au teint clair s’efforcent d’écouler à bas prix des poupées gigognes, des optiques russes, des vêtements mili- taires et autres butins de rapines. Dimanches à Bruxelles, l’ennui et le rien. »
Ce volume est la reprise en édition de poche d’un livre paru en 2005 dans la collection de Jean-Bertrand Pontalis, « L’un et l’autre », aux édi- tiond Gallimard.
En librairie le 15 mars 2024
96 pages
13 euros
« Ah, l’existence humaine ; le bonheur est comme une ombre, d’un coup d’éponge humide, le malheur en efface le dessin. » Si Gilles Ortlieb a placé cette pensée d’Eschyle en épigraphe de ce nouveau livre où il poursuit ce « mouvement perpétuel de navetteur de l’âme » qu’il évoquait lui-même dans Et tout le tremblement, c’est qu’elle en donne la clé. De quoi s’agit-il, en effet — ici comme dans chacun de ses livres — sinon de tenter de saisir les quelques traits de craie que les vies humaines déposent dans les lieux où les emportent les hasards de l’existence. La découverte, en 2018, à la pointe de la Camargue, dans un bout du monde aussi délaissé que le Grand Est industriel, de la petite cité de Salin de Giraud qui abrite encore aujourd’hui une importante communauté grecque, ne pouvait qu’émouvoir le traduc- teur de Georges Séféris — que l’on a vu dans Journées toujours à l’affût de ce qui, à l’étranger, pouvait lui rappeler son pays. Partout, dans ce bourg presque abandonné, reste vivace le souvenir de ces migrants qui sont venus s’y installer pour gagner leur pain dans les salines au len- demain de la Première Guerre, après avoir été chassés non seulement d’Asie Mineure par les Turcs (comme l’avait été Séféris), mais de la Crimée par la Révolution russe. De là, il était tout naturel pour l’auteur de poursuivre l’enquête en arpentant l’île de Kalymnos, d’où venaient la plupart de ces anciens pêcheurs d’éponge devenus saulniers. Et plus loin ensuite jusqu’à Tarpon Springs, aux USA, autre lieu d’émigration pour les pêcheurs de Kalymnos, mais où, à la différence de Salin de Giraud, la présence d’éponges leur a permis de ne pas changer de métier. Fidèle à sa méthode d’observation du terrain et des hommes, Gilles Ortlieb s’attache à relever dans ces pages — lorsqu’il y décrit une procession de l’épi- taphios, des soirées dans une chambre d’hôtel, ou lorsqu’il y retranscrit, comme Nerval dans Les Filles du Feu, des chansons populaires — tout ce que, au fond, un voyageur peu attentif voit sans songer à le distinguer. Comme s’il était doté d’un regard particulier pour reconnaître ce qu’à son propos Jacques Réda a nommé « l’inaperçu », et donc les moindres traces du fragile dessin dont parlait Eschyle. Mais s’il prend aussi soin de nous raconter qu’un marin a pris dans ses filets, en 1994, une statue vieille de deux mille ans, la Dame de Kalymnos, peut-être est-ce parce qu’en collectant les manifestations les plus ténues du réel, et leur tremblement, il aspire de même, bien qu’il s’en défende, à faire remonter à la surface de la langue une réalité sous-marine qui, par éclats éphémères, viendrait manifester un certain or du temps — une poésie intemporelle.