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En librairie le 17 mars 2023
160 pages
20,5 X 13,5 cm
22 euros
Depuis le jour où, adolescent, il a été saisi par un sonnet de Baudelaire, John E. Jackson n’a cessé de s’interroger sur ce qu’est la poésie dans l’espoir d’en dégager les qualités distinctives chez des écrivains que tout oppose a priori. Qu’y a-t-il en effet de commun, notre émotion de lecteur mise à part, entre les chansons du troubadour Jaufré Rudel et le minimalisme inquiet d’un Samuel Beckett ? entre François Villon, celui de la « ballade pour prier Nostre-Dame », et un Paul Celan qui, écrivant après Auschwitz, profère une sorte de louange à Personne ? et même entre Sapho et Labé, Ronsard et Rückert, Racine et Goethe, Hölderlin et Dante, Eliot, Apollinaire, Shakespeare, Bonnefoy ou Mallarmé ? Aussi familier que Jackson soit de cette constellation de poètes, l’énigme foncière de la poésie lui résiste ; elle mérite néanmoins qu’il y ait consacré le gros de ses efforts d’interprète, ne serait-ce que pour reconnaître l’énormité de la dette affective contractée auprès de ces œuvres qui l’ont accompagné toute sa vie. Dans les différents chapitres de ce nouvel essai, Jackson appréhende plusieurs facettes du mystère. Dans le premier, intitulé « Musiques du sens », il fait l’hypothèse que la musique des mots prend le relais de notre désir de compréhension frustré « en instituant des modes de signification qui révèlent des dimensions allusives ou imageantes du langage que la parole ordinaire a tendance à recouvrir ou à masquer ». Dans un deuxième chapitre, convaincu qu’un poète est avant tout une voix, il s’efforce de la définir : « elle n’est pas, ou pas seulement, une façon de parler, elle est l’accent particulier qu’une dimension presque insaisissable donne à cette façon, une modulation qui fait frémir les mots mais sans se laisser réduire à eux ». Il constate ensuite que la poésie, aussi bien médiévale que moderne, a toujours eu besoin des dieux, et se penche sur les raisons de ce nécessaire souci de la transcendance avant d’aborder la question difficile de la réalité que le poème est en mesure de cerner. Bien loin d’être un pur miroir de la psyché de son auteur, la poésie se nourrit pour lui « d’une ambition ontologique qu’il convient d’analyser même si c’est pour reconnaître en elle le caractère inachevable d’une dialectique de l’objectif et du subjectif ». Cet essai vaut par aussi pour l’émouvante profession de foi critique à laquelle Jackson se livre in fine ; cet art de la lecture qu’il défend exige précision et respect de la parole du poète : « Ce qu’il importe de se rappeler quand on cherche à interpréter de la poésie, c’est que celle-ci, quand elle est authentique, n’est jamais que la recherche d’une réalité ou d’une vérité dont son auteur dispose d’autant moins qu’il n’a, précisément, que son poème pour la chercher lui-même. ‘‘La réalité, écrivait Paul Celan, n’est pas. La réalité demande à être cherchée et conquise.’’ L’acte de l’interprétation ne peut être, au mieux, qu’une tentative seconde. »
L’AUTEUR
John E. Jackson, né en 1945 au Caire, a été professeur de littérature en Suisse. Polyglotte de formation, il a consacré une vingtaine d’ouvrages critiques aux courants lyriques et théâtraux de la tradition européenne et publié aussi huit recueils de poèmes.
Traduction du russe par Boris de Schloezer.
Présentation et édition de Ramona Fotiade.
Reprise dans une nouvelle présentation en livre de poche de grand format de l’édition annotée, suivie d’un index publiée au Bruit du temps en 2011.
En librairie le 18 août 2023
Collection "Grande poche", n° 5
19,50 euros
Tome X de ses œuvres complètes telles qu’il les avait lui-même conçues, achevé en avril 1937, un an avant sa mort, Athènes et Jérusalem est le dernier grand livre publié de Chestov, et donc l’aboutissement de sa réflexion sur l’opposition entre la sagesse philosophique (Athènes) et la révélation religieuse ( Jérusalem).
Chestov résume lui-même dans sa préface la visée du livre : « mettre à l’épreuve les prétentions à la possession de la vérité qu’émet la phi- losophie spéculative ». La connaissance ne justifie pas l’être, c’est le contraire qui est vrai : « L’arbre de science n’étouffe plus l’arbre de vie. » La première partie, écrite en 1929, montre qu’en poursuivant le savoir, les philosophes ont perdu la liberté : Parménide est enchaîné. La deu- xième partie, « Le Taureau de Phalaris », achevée en 1931 et composée de chapitres consacrés à Nietzsche, Socrate et Kierkegaard, fait appa- raître le lien indestructible entre le savoir tel que le comprend la philo- sophie et les horreurs de l’existence humaine. La troisième montre les efforts infructueux de la philosophie médiévale pour concilier la vérité biblique, révélée, avec la vérité « prouvée ». La quatrième partie, intitu- lée « La seconde dimension de la pensée » et composée d’aphorismes notés sur des carnets de travail des années 1925-1929, montre que les vérités de la raison nous contraignent peut-être, mais qu’elles sont loin de nous persuader toujours.
Un même effort soulève les quatre parties du livre : rejeter loin de soi les vérités inanimées et indifférentes à tout, qui sont les fruits de l’arbre de la science. Chestov leur oppose une « philosophie religieuse » qui prend sa source dans l’acceptation absurdement paradoxale que pour Dieu, rien n’est impossible.
« “Athènes et Jérusalem”, “la Philosophie Religieuse”..., ces expressions coïncident presque, elles ont presque le même sens et elles sont aussi énigmatiques l’une que l’autre et irritent au même degré la pensée contemporaine par la contradiction qu’elles recèlent. Ne vaudrait-il pas mieux poser le dilemme : ou bien Athènes, ou bien Jérusalem ? Ou bien la religion, ou bien la philosophie ? »
Léon Chestov, « Sagesse et Révélation », préface à Athènes et Jérusalem, 1937.
L’AUTEUR
Né à Kiev dans une famille juive, Léon Chestov (1866-1938) commence dès 1895 à fréquenter les cercles littéraires et philosophiques russes. Après la parution de son second livre, L’Idée du bien chez Tolstoï et Nietzsche, Diaghilev lui propose de collaborer à sa revue Le Monde de l’art. Après avoir vécu en Suisse, en Italie, en Allemagne, il émigre définitivement de Russie en 1920 pour se fixer à Paris jusqu’à la fin de sa vie. Il écrit beaucoup : les éditions de la Pléiade de Schiffrin se lancent dans un premier projet d’« œuvres complètes » en 1926, et la NRF publie des Pages choisies en 1931. C’est après-guerre qu’il exerce en France la plus grande influence — son Kierkegaard et la philoso- phie existentielle paraît un an après sa mort, en 1939. Camus proclame sa dette envers Chestov dès 1942. Georges Bataille cotraduit chez Vrin son deuxième livre. Yves Bonnefoy écrit en 1967 son essai « L’Obstination de Chestov » pour le nouveau projet d’« œuvres complètes » des éditions Flammarion publiées et traduites par le musicologue, critique et traducteur Boris de Schloezer, ami de l’auteur. Ce sont ces traductions qui ont été reprises au Bruit du temps, dans une nouvelle édition.
Édition établie, préfacée et annotée par Thierry Gillyboeuf.
En librairie le 18 août 2023
224 pages environ
24 euros
Cette correspondance rassemble deux écrivains en apparence très éloi- gné, tant du point de vue de l’écriture que dans la façon de se situer, de vivre et d’appréhender la chose littéraire et politique. Georges Perros est poète, et des plus sensibles à l’inactualité de la vie ordinaire. Rétif à l’engagement, il s’est arcbouté très tôt dans une posture existentielle de retrait, alors qu’à l’opposé, Pierre Pachet, dans ses cours de littérature, a souvent défendu l’idée qu’il fallait intervenir et penser son époque sans assigner à l’art du critique aucune limitation de discipline ou de genre. Ses travaux touchent à des domaines du savoir, la psychanalyse, la sociologie, la science politique, dont justement Perros, qui se méfie des constructions intellectuelles, ne s’est emparé qu’au détour de notes, avec ironie et un certain génie de la dérobade. La perception qu’ils ont de leur identité diffère par ailleurs, l’un étant très attaché à la Bretagne comme à un coin de pays fantasmé, l’autre, juif d’origine russe, reven- dique un moi plus décloisonné. Or ces deux grands lecteurs, requis par des passions quelquefois divergentes, se retrouvent dans l’esprit des Cahiers du Chemin dirigés par Lambrichs, dans une résistance viscérale au dogme, un sens de la langue et le sentiment d’être tous les deux des « seulibataires », mais à charge de famille. Leur amitié atypique, qui débute en 1968, ne s’interrompra qu’avec la mort de Perros, dix ans plus tard.
C’est le jeune Pierre Pachet qui engage et soutient le dialogue. Un Pachet d’avant son œuvre d’essayiste. Il est alors fasciné par le prosaïsme magique de Perros au point d’en pasticher un peu la manière épistolière, et d’instaurer de façon inattendue, entre son aîné et lui, une relation virile, affec- tueuse, égotiste, plutôt complice. Mais contre laquelle semble se défendre parfois un poète mal à l’aise dans le rôle du maître. Reste que Perros laisse Pachet le « prendre au sérieux », pas du tout mécontent d’être lu comme il lisait autrefois Grenier ou Paulhan. Les vues sur Perros, que Pachet prolonge dans des articles que nous reproduisons en annexe, introduisent à l’esthétique du poète, tout en donnant de son commentateur une sorte d’autoportrait. Pachet voit en Perros un « penseur et moraliste », qui place son orgueil dans la vie, où précisément il a le moins de chance
de réussir.
Au fil des lettres, qui arrachent Pachet à la routine de sa vie universitaire, la relation de maître à disciple s’estompe. Pachet commence à publier au moment où Perros perd l’usage de la parole à la suite de sa laryngectomie. Il y a dans les dernières pages des accents aussi déchirants que dans L’Ardoise magique.
LES AUTEURS
Professeur à l’université de Paris VII, Pierre Pachet (1937-2016) animait un séminaire de post-doctorants, très suivi, à Jussieu puis à l’EHESS. Il a publié au Bruit du temps L’Âme bridée. Essai sur la Chine aujourd’hui (2014), et une nouvelle édition de ses Baromètres de l’âme. Naissance du journal intime (2015).
Georges Perros (1923-1978), a trouvé dans les notes de ses Papiers collés, une forme privilégiée, mais il est aussi l’auteur des Poèmes bleus et des octosyllabes d’Une vie ordinaire. Son œuvre a été réunie en 2017 par Thierry Gillyboeuf chez Gallimard, dans la collection « Quarto ».
Roman traduit de l’allemand par Claire de Oliveira.
En librairie le 15 septembre 2023
24 euros
Lorsque les squelettes de deux jeunes gens datant du néolithique ont été mis au jour près de la ville de Mantoue en 2007, l’image a fait le tour du monde. « Enlacés depuis 6000 ans ! »... « Roméo et Juliette à l’âge de pierre »..., annonçaient les gros titres des journaux.
Le roman de Ralph Dutli commence une dizaine d’années plus tard. Entretemps, Mantoue a été secouée par la crise puis par le « printemps maudit », le tremblement de terre de mai 2012. Deux amis de jeunesse s’y rencontrent par hasard, le sismologue Raffa est venu étudier les conséquences du tremblement de terre, l’écrivain Manu s’intéresse au célèbre couple du néolithique. Or celui-ci a mystérieusement disparu, il n’a jamais trouvé sa place dans le musée qui devait l’accueillir. Manu est sur ses traces mais il lui-même va bientôt disparaître à son tour, enlevé et sequestré dans sa propriété par un étrange personnage, un aristocrate esthète qui rêve de fonder une nouvelle religion de l’amour substituant à l’image du crucifié celle des amants de Mantoue...
À travers cette intrigue digne d’un roman d’aventure — Raffa ne déli- vrera son ami, avec l’aide de la belle Lorena, qu’après de nombreuses et invraisemblables péripéties — Ralph Dutli nous entraîne dans un monde intermédiaire entre réalité et rêve, où la Mantoue de la Renais- sance reprend vie sous nos yeux, où le peintre Mantegna doit peindre une nouvelle fois sa célèbre Chambre des Époux, où le poète Virgile plane au-dessus de sa ville natale en observateur étonné. Avec le même bonheur que dans son Dernier Voyage de Soutine, le romancier ressasse les questions qui le hantent depuis toujours : les zones sismiques de la vie, le rêve d’une nouvelle utopie amoureuse, le statut incertain de la réalité et les pouvoirs inquiétants de l’écriture.
L’AUTEUR
Né en 1954 à Schaffhouse, Ralph Dutli a vécu à Paris avant de s’installer à Heidelberg en 1994. Poète, il a publié plusieurs recueils dont une anthologie est traduite en français sous le titre Novalis au vignoble. Traducteur du russe, il a édité et traduit en allemand les Œuvres complètes d’Ossip Mandelstam. Il a publié quatre livres consa- crés au poète russe, dont une biographie, également traduite au Bruit du temps, Ossip Mandelstam, Mon temps, mon fauve. Son premier roman, Le Dernier Voyage de Soutine, a été unaniment salué par la presse à sa parution en français en 2014.