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248 pages I 20,5 x 13,5 cm
ISBN 978-2-35873-206-2
22 €
Les proses ici rassemblées proviennent du « fil d’actualité » de Philippe Beck à sa page Facebook. Il a semblé utile de les reprendre en volume afin qu’elles ne soient pas perdues dans le puits sans fond d’une page où l’actualité refoule le passé au loin. Ces textes ont été récrits et complétés et forment un ensemble où la matière vivante du monde s’impose tout en exigeant d’être réfléchie au-delà de la simple chronique descriptive et discontinue. Des questions permanentes se dessinent alors et s’approfondissent au fur et à mesure, si bien que le journal devient à la fois œuvre de poétique et méditation politique, critique et évocation. Chaque prose est un documentaire, et non un pur et simple document d’existence et de témoignage à mesure qu’on existe : elle porte la marque des problèmes et des énigmes de l’époque et s’efforce de les affronter aussi vivement qu’il se peut.
« La poésie est documentaire ou n’est pas. Mais nos yeux, intérieurs ou extérieurs, sont eux-mêmes des documents. »
Philippe Beck, Documentaires, 21 mars 2022
« Le Cheshire Cat nous dit la vérité élémentaire. Ensuite, on peut travailler là-dessus. Si on raisonne à l’envers, c’est mal parti, longuement. Nous sommes arrivés sur la Terre, dans la démence. Et tout commence. Le djinn métamorphe chargé d’éclairer les esprits obscurcis, incapable de retourner dans son flacon, peut sourire des dérives de la magie. »
Philippe Beck, Documentaires, 26 avril 2022
120 pages I 11,7 x 17 cm
ISBN 978-2-35873-207-9
11 €
POÈMES
Cette suite de cent douzains en vers libres mesurés doit son titre aux deux qualificatifs par lesquels un grand musicien antimoderne et compromis (le pianiste Alfred Cortot) caractérisa des musiques modernes tenues pour dégénérées. Le livre refuse de manière sèchement mélodiée les dérives qui ont entraîné la sensibilité vers un projet de purification des décisions artistiques. Un tel projet entrait dans un plus ample programme d’élimination d’une partie de l’humanité au nom de l’humanité, comme il se produit dans les guerres, et avec une affreuse radicalité dans le cas du national-socialisme. Mais « la poésie, c’est la guerre », et ce mot de Mandelstam devrait hanter chaque moment d’écriture du moindre poème, comme le mot de Shakespeare : « Tu fuiras l’ours, mais si sur ta route se dresse une mer en furie, tu te retourneras vers la gueule de la bête. »
80 pages env. I 11,7 x 17 cm
ISBN 978-2-35873-208-6
13 €
Muriel Pic s’était déjà approchée du théâtre en donnant la parole à d’illustres défunts sur une scène imaginaire, dans ses récents Dialogues des morts sur l’amour et la jouissance, revivifiant du même coup un genre ancien que l’on croyait poussiéreux. Rosa Luxemburg (dont Muriel Pic a récemment édité avec succès L’Herbier de prison, accompagné d’un choix de lettres) y faisait d’ailleurs une apparition. On sait que Bertolt Brecht désirait écrire une pièce sur le destin tragique de la révolutionnaire allemande et Le Dernier Printemps de Rosa Luxemburg pourrait donc apparaître comme la réalisation de ce souhait. Or Muriel Pic a eu l’idée de faire du dramaturge allemand un personnage, mais dans une pièce qui prend le contre-pied de celle qu’il aurait souhaitée, et qui réintroduit l’amour (« car seul l’amour est révolutionnaire ») et donc la vie dans ce qui n’aurait été que propagande, autant dire lettre morte (pour Brecht, « une bonne révolutionnaire est une révolutionnaire morte »). Outre Mathilde Jacob, la secrétaire à qui l’on doit la préservation des archives de Rosa, et Brecht, les deux protagonistes sont Rosa Luxemburg elle-même, au printemps de 1918 alors qu’elle est emprisonnée à Breslau, et Arthur Gertel, le jeune soldat qui a été chargé de veiller sur elle (et qui a laissé, écrit en français, un émouvant témoignage de son expérience). À partir d’une admirable lettre de Rosa placée en épigraphe, la pièce imagine l’amour qui naît entre la prisonnière (qui sait que ce sera pour elle la dernière occasion de rejouer l’histoire de Phèdre et Hippolyte) et son gardien (qui, malgré son refus des illusions, se demande si elle ne l’a pas ensorcelé). Elle se termine de façon merveilleuse par un escamotage d’illusionniste, triomphe d’une imagination capable, Brecht lui-même finit par en convenir, de changer le cours immuable de l’histoire et de transformer la tragédie en comédie. Le choix de faire parler ses personnages dans un vers libre d’un grand naturel contribue aussi à l’impression que nous avons d’assister à la représentation d’un « conte scintillant ».
Deux « poèmes dramatiques » plus courts complètent le recueil : « Mon Cœur dévoré », merveilleuse lecture de Dante guidée par la sensation, dont Muriel Pic écrit, qu’elle est « sa seule vérité », et « Les preneurs d’astres », dans lequel une constellation d’auteurs et d’étoiles nous parlent de la place qu’il faudrait donner à l’intelligence sensible et intuitive pour nous orienter dans le monde, à l’heure où « la planète va cramer ».
Le choix original de l’expression « poèmes dramatiques » indique que ces textes sont à lire autant qu’à jouer. Mais aussi qu’ils n’entrent pas dans les catégories habituelles du théâtre, la tragédie et la comédie. De fait, ils se situent entre le théâtre, la poésie et l’essai, et consacrent l’alliance de la pensée et de l’imagination propre à l’écriture de Muriel Pic. Il n’est pas anodin que l’expression « poèmes dramatiques » appartiennent au lexique du premier romantisme allemand (Dramatisches Gedicht).
Traduction de l’allemand et présentation par Jean-Claude Schneider.
288 pages env. I 13,5 x 20,5 cm
ISBN 978-2-35873-209-3
24 €
Devenue introuvable, la traduction de Jean-Claude Schneider, largement revue et corrigée pour la présente édition, est ici suivie de « Fondement pour Empédocle » traduit de l’allemand par Clément Layet, qui prolonge son édition de ce texte théorique de Hölderlin par un important essai inédit : « La Nuit énigmatique du temps. »
Après le roman Hypérion, dans lequel un jeune Grec moderne exprime son regret de la plénitude de la Grèce antique, Hölderlin tente, en 1798 de son désir de se mesurer à la tragédie grecque, « la plus rigoureuse de toutes les formes poétiques » et choisit pour thème l’histoire d’Empédocle, ce philosophe présocratique : « le grand Sicilien qui, jadis, las de compter les heures, proche de l’âme du monde, malgré son téméraire goût de vivre, se jeta dans les flammes admirables » de l’Etna.
Hölderlin a écrit trois versions de cette pièce, restées toutes les trois incomplètes. Les trois sont traduites ici. Elles ont chacune leur couleur propre, la première est celle où, sous l’habit grec, c’est un Jacobin (nous sommes à l’époque de la Révolution française) qui prêche la liberté, l’égalité et la fraternité, appelant de tous ses vœux le nouvel ordre social. Dans la deuxième version, le héros apparaît davantage comme un fondateur de religion. Dans la troisième, Empédocle n’est plus « plus qu’une âme brûlant déjà dans son corps d’homme avant d’aller, pour le fondre avec les éléments, le précipiter dans le feu de la terre ».
Traducteur de ces trois fragments, poète lui-même, Jean-Claude Schneider, pour qui « Hölderlin aujourd’hui, c’est d’abord une langue » a tenté de faire passer en français les particularités de cet allemand si neuf et « en rébellion contre l’harmonie » qu’il décrit dans sa préface, tout en restant soucieux d’aboutir à un texte qui a vocation à être dit sur la scène.
Le livre est enrichi par la traduction nouvelle de l’important texte théorique écrit en 1799 par Hölderlin avant sa troisième tentative. Le remarquable essai de Clément Layet qui suit sa traduction va bien au-delà d’une simple postface. Désireux d’éclairer cet ensemble « particulièrement abrupt » et de rétablir une unité entre le poème dramatique et l’essai il montre en quoi la conflictuatlié fondamentale qui était au cœur de la pensée du philosophe grec correspond au conflit intérieur présent chez Hölderlin. Et c’est le sens même du destin du poète allemand qu’il présente sous un nouveau jour, en résonance avec notre présent. Sans éviter la question que pose la récupération de la poésie de Hölderlin par les nazis : n’y a-t-il pas quelque chose de « pourri » (comme l’avait écrit Paul Celan) dans l’idéalisation du sacrifice que représente La Mort d’Empédocle ?
Édition bilingue
Traduction de l’espagnol par Philippe Jaccottet
Précédé de « Góngora et nous » par Giuseppe Ungaretti
232 pages I 10,7 x 17 cm
ISBN 978-2-35873-205-5
Poésie en poche n° 5
13 €
Chef-d’œuvre inachevé du plus grand poète du Siècle d’or espagnol, Les Solitudes n’ont été véritablement publiées qu’après la mort de Góngora, mais des copies manuscrites circulent dès 1613 suscitant aussitôt une polémique entre adversaires et défenseurs de la nueva poesia. Les accusations d’obscurité et d’affectation se prolongeront pendant un demi-siècle. Ce long poème narratif est écrit dans un genre aussi nouveau par le sujet (la vie rustique) que par la forme (la silva) où se mêlent librement les vers de 11 et de 7 syllabes, permettant à Góngora d’y déployer ses phrases sinueuses, foisonnantes de métaphores. L’argument, résumé par Ungaretti, en est le suivant : un jeune homme, repoussé par celle qu’il aime, aborde après un naufrage à un rivage. Des chevriers l’accueillent. Le lendemain, il rencontre des montagnards chargés de cadeau de mariage. Il est invité à la noce par un vieillard qui se lance dans une longue diatribe contre l’ambition. Puis c’est la description des fêtes nuptiales. Dans la seconde solitude dite « des fleuves », on retrouve le naufragé mêlé à des scènes de pêche et d’amour, au quatrième matin il assiste, de sa barque à une chasse au faucon.
Mais, comme l’écrit son traducteur français : « on ne doit pas se laisser égarer par l’affabulation outrageusement conventionnelle des Solitudes ; l’histoire de cet amoureux “dédaigné, naufragé outre qu’absent” n’est qu’un cadre à l’intérieur duquel peut déferler toute la richesse du monde : prés, plages et forêts ; agneaux, lions, serpents et faucons ; océans et promontoires ; toutes les espèces d’eaux, de feux et de lumières ; astres et vents ; comme, aussi bien, tous les travaux et les plaisirs des hommes, de la plus petite chose qu’il prend dans sa main pour la manger, huître ou noix, aux plus vastes espaces qu’il aborde et jalonne. » Plus encore, ce qui fait de Góngora un maître, c’est que la tension verbale et l’acuité du regard (transcrite sans aucune perte dans les mots) est « au service des métaphores qui, inventées, reprises et mises en jeu avec maîtrise, audace et enthousiasme, produisent à partir du réel un monde nouveau, dont les limites sont autrement réparties, l’éclat plus souverain et plus exaltant. »
LA TRADUCTION
Ce livre a été publié une première fois aux éditions La Dogana en 1984. Mais Philippe Jaccottet avait entrepris cette traduction dès 1960, pour une publication aux éditions Maeght, avec des illustrations d’Alberto Giacometti, projet finalement abandonné. Jaccottet est revenu à l’œuvre de Góngora et traduit plusieurs de ses sonnets lorsqu’il a établi, en 1969, l’édition d’Innocence et mémoire d’Ungaretti et traduit l’essai « Góngora et nous » que nous faisons figurer en préface à ce livre.