Collection poche n° 9
Édition bilingue
Traduction du polonais
par Brigitte Gautier
Préface d'Éric Chevillard
Format : 108 x 178 mm
160 pages
ISBN : 978-2-35873-085-3
Mise en vente : 15 mai 2015
Zbigniew Herbert, né à Lvov en 1924, a fait l’expérience douloureuse de l’invasion soviétique en 1939, puis allemande en 1941, avec leur cortège de déportations et d’exécutions (il perd son frère, son oncle fait partie des officiers morts à Katyn). Après Corde de lumière (1956), il publie huit recueils de poésie, trois volumes d’essais et des pièces radiophoniques. Mis à l’index en 1975, il rentre à Varsovie en 1981. Herbert aimait à dire que le mouvement de la poésie consiste à remonter à la source, et qu’il n’est donc possible d’être poète que si l’on nage à contre-courant : ce sont les déchets qui suivent le courant. Sa poésie est tout entière un acte de résistance et fut perçue comme telle très tôt dans son pays. Encore méconnu en France où il a pourtant vécu en exil, Zbigniew Herbert est aujourd’hui une des figures majeures de la littérature du xxe siècle en Pologne, mais aussi par-delà les frontières où il est admiré par des écrivains aussi différents que Joseph Brodsky, Seamus Heaney ou J. M. Coetzee.
Éric Chevillard présente ce recueil, le troisième du poète, que nous avions publié en 2011 dans le tome I des Œuvres poétiques complètes traduites par Brigitte Gautier. Étude de l’objet (1961) est un titre programmatique. Zbigniew Herbert dans ce recueil prend effectivement le parti pris des choses, avec moins de rigueur et de rhétorique que Ponge mais avec une intelligence intime de leur être, même lorsque celui-ci n’a rien à révéler que son irréductible altérité : « les cailloux ne se laissent pas apprivoiser / ils nous regarderont jusqu’à la fin / d’un œil calme très clair ». Le monde attend du poète qu’il le nomme et l’arrache à ce silence d’épouvante et de nuit dans lequel il tourne absurdement parmi les astres morts : « même la baleine réclame son portrait ». Elle réclame son poème. Quant à l’homme, prisonnier du « lit étroit de [son] corps », il lui reste à rêver « l’objet qui n’existe pas » pour créer le monde à son tour. Or le mot lui-même n’est-il pas cet objet qui n’existait pas et soudain existe si bien qu’il ordonne le monde ?
On pourrait s’étonner de voir un écrivain en butte aux vicissitudes de l’histoire, et qui jamais n’hésita à défier l’autorité politique, prendre pour objets de sa méditation le caillou, la table, la chaise ou encore l’hippocampe (« l’air honnête / d’un caissier qui boit du thé / ne va pas à sa nature de meurtrier / des eaux douces et stagnantes »). Zbigniew Herbert s’en explique. Ayant vu à quel point la réalité pouvait être falsifiée par l’idéologie et la propagande, « le domaine des choses, le domaine de la nature me semblait être un point de repère, et également un point de départ, permettant de créer une image du monde en accord avec notre expérience ».
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