Zadig (Librairie française de Berlin), Recension par Patrick Suel

 Zadig (Librairie française de Berlin), Recension par Patrick Suel
16 2022

Les éditions Le Bruit du temps ont fait le choix d’honorer et illustrer la cohérence d’une œuvre : celle de Cécile Wajsbrot, née à Paris en 1954, qui a toujours vécu au cœur du langage, en tant que professeure de lettres à ses débuts, traductrice-écrivaine ensuite. Volume de 700 pages, Haute mer, par son titre énigmatique, est le livre d’une somme. En 2007, Cécile Wajsbrot avait annoncé un cycle de cinq romans à paraître, dont le thème central serait la création humaine, et plus largement l’art. C’était à l’occasion de son roman Conversations avec le maître, son Maître et Marguerite à elle, qui fut sélectionné pour le prix Renaudot, et dont le thème était la rencontre avec un maître de musique qui confronte sa création aux mots. S’ensuivirent quatre romans baignés d’amour de l’autre, d’angoisse relative, de solitude instruite. Mais aussi de malice face à la vie, dernière nuance pas assez évoquée pour parler de l’autrice et son ensemble d’univers établis pas à pas, chargés d’âme et de bribes d’espoir. On n’a pas vu venir ce cycle aux titres évocateurs : Conversations avec le maître, L’île aux muséesSentinellesTotale éclipseDestruction. Cinq séquences romanesques abordant tour-à-tour les thèmes de l’extase de la musique, Berlin d’après le Mur, le monde de l’art contemporain, la chanson populaire anglo-saxonne, le déclin du langage dans nos sociétés dystopiques. L’ensemble Haute mer(préfacé par Geneviève Brisac) pourrait sonner comme un voyage d’été dans l’œuvre d’une figure incontournable de cette  galaxie d’auteurs qui a eu 50 ans dans les années 2000, et qui n’est pas encore identifiée. L’art peut-il nous sauver, faire vibrer en chacun l’écho des catastrophes contemporaines ? Question plus essentielle que jamais dans ce siècle que taraude le doute.

Par Patrick Suel