Télérama - n°3152 - D.H. Lawrence, Croquis étrusques

 Télérama - n°3152 - D.H. Lawrence, Croquis étrusques
12 juin 2010

D.H. Lawrence, Croquis étrusques

En 1927, trois ans avant sa mort, le romancier anglais D.H. Lawrence, déjà malade, sillonne les bords de la mer tyrrhénienne et les terres de Toscane à la recherche des Etrusques. Loin d'être un simple pèlerinage, ce « cap aux tombes » qu'il clame d'entrée de jeu devient, au fil des jours, un voyage plein de promesses. Armé de son indicateur des chemins de fer, Lawrence, avec son ami Earl Brewster, saute de trains en « bus motorisé », gravit les ruelles des petites villes et s'émerveille des traces d'une civilisation disparue vingt siècles auparavant.

Les tombes creusées dans la roche, les fresques colorées où dansent des oiseaux et des personnages aux silhouettes élancées, l'ourlé des étoffes que le temps n'est pas parvenu à effacer sont, pour Lawrence, les indices d'une joie de vivre et d'une abondance de vie qui l'envahissent. L'écrivain est certes documenté, mais avant tout il sait regarder, débusquer les « formes étranges et spontanées qui refusent toute normalisation », s'attendrir de la sensualité d'un cheval peint, du visage « de faune » d'un berger rencontré ou de la lumière du crépuscule qui coiffe les pierres d'un rose apaisant.

Rome, « avec un très grand R », avait anéanti la civilisation étrusque. L'Italie fasciste, qui se réclame de la Rome antique, triomphe aussi en ces années 1920. Ces carnets, dont cette nouvelle édition magnifiquement traduite fait la part belle aux illustrations, sont plus poétiques que politiques, mais on sent bien que Lawrence préfère l'ocre rouge des peintures étrusques au noir des chemises fascistes. Comment pourrait-il en être autrement de la part d'un homme qui salue avec un tel bonheur la vitalité des siècles insouciants ?

                                                                                                                   Gilles Heuré