Sitaudis.fr - Ainsi les jours de Jean-Luc Sarré

 Sitaudis.fr - Ainsi les jours de Jean-Luc Sarré
03 juin 2014

Ainsi les jours de Jean-Luc Sarré

Un des poètes majeurs de sa génération – il a 70 ans cette année, Jean-Luc Sarré a su dans un premier temps exprimer une certaine intensité, une densité en peu de mots cernés de blancs (cf. coll. Poésie/Flammarion, 1983, 1986, 1990) avant d’évoluer vers une poésie plus gouleyante, jouant de formes variées élégamment bridées par le cavalier qui est pour lui une sorte d’idéal. Il revient à Jean-Pierre Boyer d’avoir publié le premier livre de « notes et remarques » du hunier  J.-L. Sarré (Rurales, urbaines et autres, Fourbis, 1991) qui l’ont « amené à étendre la présence du quotidien au poème lui-même » en se débarrassant « de ces étendues de blancheur pures, métaphysiques », d’où les recueils suivants chez La Dogana et chez Farrago, jusqu’à l'Autoportrait au père absent édité en 2010 par Le Bruit du temps qui publie cette fois Ainsi les jours, jubilatoire nouvel opus de « notes et remarques ». Pas sûr que le qualificatif « jubilatoire » plairait au poète parfois sourcilleux à sa façon depuis son observatoire marseillais, mais c’est le ressenti de quelques lecteurs qui ont déjà su apprécier, non sans sourire plus d’une fois, les pages attachantes et printanières (au sens fort) d’un moraliste qui ne donne jamais la leçon, d’un peintre de subtils croquis et pastels, d’un auditeur à la vive attention, d’un lecteur affûté,… car il est vrai que, sous un faux-air dilettante (« Prendre l’air (est) son métier », G. Perros, en exergue de Rurales), Jean-Luc Sarré n’est jamais superficiel, il ne l’ouvre pas pour rien : « Je suis amoureux du silence. S’il m’arrive de le rompre en parlant, c’est qu’il ne me donne pas toujours ce que j’attends » (lignes finales de Rurales). D’une à vingt lignes, ses « notes et remarques » non dénuées d’humour, d’auto-dérision, s’attachent à une certaine humanité (« Jardiner ou, plus modestement, s’occuper des plantes, c’est d’une certaine manière faire le bien », p. 107), à une attention soutenue et non factice aux autres, à l’Autre, ce qui écarte tout soupçon d’égocentrisme. Il est rare, à une époque qui promeut tant l’idéologie du profit par le moi, de pouvoir lire (même pour un lecteur blasé, exigeant) un tel ouvrage, réussi tant dans la forme que dans le propos : assurément, l’un des livres forts de 2014.

                                                                                             Jean-Marc Baillieu