« Le Merle, le loup suivi de Toucher » de Henri Cole
D’essence autobiographique, les poèmes de l’Américain Henri Cole commencent souvent par un geste anodin (beurrer une tartine, par exemple) et finissent toujours par rafler toutes les dimensions secrètes d’un instant. Les souvenirs, les lieux, les règnes, les registres se trouvent à touche-touche, comme dans un patchwork, les coutures en moins. Avec la simplicité désarmante de ce vers : « Mes lèvres malgré moi se mordillent, comme des créatures qui se différencient. » À la fin, on a toujours l’impression d’avoir passé plusieurs frontières sans s’en rendre compte, de ne plus savoir où l’on se trouve, mais que l’essentiel tient à cette manière de circuler librement : « Sur le quai je me fais couper les cheveux et regarde / l’été s’épanouir, égayant le gris général, / uniforme, comme une gorgée de gin / se répand dans les capillaires de mon cerveau, anesthésiant tout ce qu’il est / trop douloureux de penser ou d’exprimer, / cependant que dans l’eau je balance mes pieds / comme des bouts d’homme. »
L. d. C.