Sacha et Julius
Sacha, c'est Alexandre Soljenitsyne et Julius, c'est Julius Margolin. Deux grands témoins du mal soviétique et deux géants de la littérature, l'un russe, l'autre polonais. Une remarquable biographie est consacrée au premier tandis que l'étonnant Voyage au pays des Ze-Ka du second est enfin disponible intégralement. Il ne faut pas les manquer.
Sacha et Julius ! Julius et Sacha ! Deux prénoms qui auraient pu comme tant d'autres être effacés de la mémoire des hommes si le miracle de la littérature ne les avait pas portés jusqu'à nous. […]
Julius Margolin, un témoin gênant
À ce titre, il convient de parler de Julius. Si Sacha, c'est Alexandre Soljenitsyne, Julius, c'est Julius Margolin. Il aura fallu attendre la fin de l'année 2010 pour pouvoir lire enfin intégralement son livre de témoignage sur les camps de prisonniers soviétiques. Polonais d'origine, Julius Margolin s'installe avant la Seconde Guerre mondiale en Palestine. Séjournant en Pologne au moment du déclenchement des hostilités, il fuit la zone allemande sachant pertinemment les menaces pesant sur les Juifs. À l'Est, il espère trouver auprès de l'Occupant soviétique la compréhension et l'aide nécessaire pour retourner en Palestine. Considéré comme espion, il est arrêté et subit une incroyable descente aux enfers qui le conduit, ainsi que des milliers d'autres prisonniers, au Goulag.
Face à la bien-pensance
C'est le récit de ce séjour qu'il raconte dans ce livre qu'il publie peu après sa libération en 1945. Aussitôt, le rideau de fer de la bien-pensance communiste et progressiste s'abat sur lui. Il ne fait pas bon de mettre en cause la réalité soviétique aux lendemains de cette guerre des « démocraties » contre la barbarie. Margolin témoigne, lui, de la réalité de la barbarie soviétique qu'il considère d'une certaine manière comme pire que le nazisme. Il a saisi l'enfermement économique que réalise le communisme. Dans un tel système, tout devient instrument en vue de la production. Tout, y compris les hommes ! Avant Soljenitsyne, Julius Margolin apporte donc un témoignage sur le vif de la réalité du totalitarisme soviétique et il le fait en philosophe et en écrivain, comme il n'a jamais cessé de l'être, même au pire moment des camps. S'il n'est certes pas possible de ressortir indemne de la lecture du Voyage au pays des Ze-Ka, on reste surtout fasciné par cette étonnante vie intérieure qui trouve sa source dans la littérature et qui trouve en elle un moyen de dire le vrai. Tout simplement.
Benoît Maubrun