Le Figaro, "Un nouveau Mystère", par Astrid de Larminat

 Le Figaro, "Un nouveau Mystère", par Astrid de Larminat
25 novembre 2021

En Italie, des poètes contemporains perpétuent la tradition médiévale des "mystères", drames populaires inspirés par la vie du Christ ou des saints et joués autrefois sur le parvis des églises. Dans son très beau Représentation de la Croix, Giovanni Raboni (1932-2004), poète, traducteur de Baudelaire, de Proust, de Racine, a choisi de ne pas mettre en scène le personnage central de l'histoire, le Christ. Il est "le centre absent" du drame, écrit Jean-Pierre Lemaire dans sa préface à la remarquable traduction française. Tous les personnages parlent de lui, s'interrogent sur ce qu'il fait ou dit, mais on ne le voit pas, on ne l'entend pas directement. Une approche très moderne, mais fidèle à la plurivocité des quatre Evangiles, qui rend à Jésus sa part d'étrangeté et rend compte avec réalisme des incertitudes de ceux qui le suivaient. Les témoins, Pierre, Jacques, Philippe ou Judas, Marie et Marie-Madeleine discutent de ce qu'ils ont vécu avec lui. Leurs dialogues, souvent légèrement burlesques sans que cela entache la gravité de ce qui se joue, font sentir à quel point ils sont déroutés par cet homme qui leur échappe. Comme Philippe le dit à Caïphe, qui trouve qu'il n'a pas l'air d'y croire tout à fait, en ce Jésus : "Je n'y crois pas : je l'espère."

Par Astrid de Larminat