Gilles Ortlieb, éclairer la pénombre des lettres
Gilles Ortlieb, dans un bel essai nommé Dans les marges, entreprend une noble tâche : celle de vouloir raviver des personnalités littéraires à la gloire silencieuse et de faire réentendre la voix des poètes injustement oubliés. Gilles Ortlieb, lui-même poète, traducteur et intellectuel, réussit à retenir la curiosité des lecteurs dans une langue ciselée et sérieuse. Dans ces quelque 160 pages au format poche, nous découvrons la poésie d’un Paul de Roux, né à Nîmes, d’un Jean-Claude Pirotte, né à Namur, d’un Constantin Cavafis, né à Alexandrie ou d’un Armen Lubin, né à Istanbul. Nous sont dévoilés encore, par exemple, certains secrets biographiques de la mécène luxembourgeoise Aline de Saint-Hubert, amie précieuse d’André Gide. La femme de lettres, qui participera activement à la vie littéraire de son temps, fut pareillement une révélatrice de joyaux : elle publia une étude dans La Nouvelle Revue française sur Rainer Maria Rilke, alors inconnu en France (à ce sujet lire aussi en page 34).
L’auteur structure son essai par les différents voyages géographiques ou littéraires qui l’ont amené à ces ombres pourtant rayonnantes et s’applique à poursuivre l’humble ambition d’Emmanuel Bove, l’un des poètes au sommaire : « ne revendiquer rien d’autre que le partage furtif de quelques destinées ». Et si l’auteur de Dans les marges semble oublier parfois d’aider son lecteur à situer le poète dont il traite, il s’agit là autant d’invitations à se mettre en quête, à poursuivre la recherche ; ce qui apparaît, chose loin d’être anodine, comme la profession même de la poésie.
Matthieu Corpataux