Initiales Magazine - « Howards End », par Nicolas Seine

 Initiales Magazine - « Howards End », par Nicolas Seine
01 avril 2016

« Howards End »

Que tous ceux qui pleurent d’avance la fin de Downtown Abbey, qui ont déjà réservé pour leurs prochaines vacances un cottage dans le Derbyshire et connaissent par cœur l’œuvre complète de Jane Austen soient rassurés : il leur reste peut-être un chef-d’œuvre classique de la littérature anglaise à découvrir, avec cet Howards End de E. M. Forster, publié outre-Manche en 1910 et superbement réédité en 2015 par les éditions Le Bruit du temps.

Nous sommes donc au tout début du XXe siècle, dans la campagne anglaise, aux côtés de trois familles : les Wilcox, riches capitalistes attachés à leur fortune et leur demeure de Howards End ; les sœurs Schlegel représentent la petite bourgeoisie intellectuelle, cultivées, optimistes et ouvertes d’esprit — bref, aujourd’hui on dirait qu’elles sont un peu « bobos » ; et les Bast, un couple travaillant à Londres, en proie à de sérieuses difficultés financières et personnelles.

Howards End est à la fois un grand roman de mœurs qui dépeint les relations entre ces trois familles — ces trois facettes de la société anglaise de l’époque, empreintes de préjugés et d’incompréhension. Mais c’est surtout un grand roman social sur les rapports de classes, un portrait d’une Angleterre en pleine mutation, en pleine modernisation. Ainsi Londres, ville qui fascine autant qu’elle broie ceux qui y vivent et qui contraste radicalement avec la description idéalisée de la vie à la campagne, ou la question du droit de vote des femmes qui mobilise les sœurs Schlegel, ou encore la modernité elle-même qui engendre les diverses insatisfactions et jalousies qui semblent habiter chacun des personnages.

C’est une lecture qui vaut aussi pour l’écriture de Forster, son portrait précis et sans concession des mœurs de son temps, son humour omniprésent, souvent très anglais, parfois narquois. Tout ceci fait vraiment d’Howards End l’un des plus grands romans du XXe siècle, très loin du livre un peu poussiéreux que l’on s’imaginait. Mais ça, c’était avant de l’avoir lu.

Nicolas Seine
n° 3