Mathias Enard s'entretient avec Cécile Wajsbrot, autrice de nombreux romans et récits, parmi lesquels La Trahison (1997), Memorial (2005), L’île au Musées (2008) ou Sentinelles (2019). Cécile Wasjbrot a également traduit de l’anglais deux ouvrages de Virginia Woolf, Des phrases ailées et Les vagues. Elle vient de publier Nevermore, roman poétique et maritime, dans lequel on retrouve la présence de l'œuvre de Virginia Woolf sous la forme d'un exercice de traduction de Time passes, et du motif d'une maison abandonnée que l'écrivaine décrit cette seconde partie de La Promenade au phare.
L’idée était de faire du processus même de la traduction un élément narratif. C’est une quête, un roman de formation, mais au lieu d’être une quête du sens de la vie, c’est une quête du mot juste, du sens de la langue. Je voulais que l'exercice de traduction de ce passage du texte de Woolf nous entraîne du côté de lieux disparus comme la ville de Dresde avant la guerre ou d'un certain quartier du Lower East Side à New York. Nevermore est une traversée, qui après être passée par une succession de paysages de destruction, d’engloutissements, de disparitions, débouche sur une reconstruction. Même si c’est un casse-tête, si on y rencontre le doute voire une sorte de désespoir, parce qu’on se dit qu’on y arrivera jamais, la traduction reste une activité porteuse d’espérance, puisqu’on arrive à transmettre quelque chose. Traduire cela veut dire que l’on fait passer de l’autre côté, on arrive forcément quelque part.