« Saint François d’Assise »
Petite merveille que ce livre, bien caché sous le tas de foin médiatique automnal. Sa belle et sobre jaquette qui tire sur les tons crus et doux de Giotto, reproduit la scène de saint François rendant ses vêtements à son père, sans aucun doute la meilleure façon d’illustrer cette hagiographie iconoclaste de Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), écrivain prolifique admiré de Jorge Luis Borges, Valery Larbaud ou Wystan Hugh Auden, converti au catholicisme. Les éditions Le Bruit du temps, qui avaient déjà proposé l’époustouflante biographie en vers du poète Robert Browning (L’Anneau et le livre, 2009), offrent ici un portrait décapant, à vif, de François d’Assise auquel il ôte les vêtements des clichés, dans une langue solaire que rend parfaitement la traduction d’Isabelle Rivière. Jacques Maritain, lui, ne s’était pas trompé, qui publia dès 1925 cette vie de saint très surprenante. Le récit singulier multiplie les miracles autant par les bonheurs de l’expression que les hauteurs de réflexion renversante. Il suffit de se pencher pour glaner la lumière glorieuse au ras de ses pâquerettes. Chesterton ressuscite en saint François le troubadour, le poète ordinaire tout à fait extraordinaire, le jongleur de Dieu qui, plus qu’il adore, imite le Christ, l’homme qui renverse les perspectives à l’échelle inverse des Béatitudes, l’être d’ascèse non point sombre, mais radieuse, le théologien de la Terre dont « le message était si simple que l’idiot du village pût le comprendre ». À croire que ce saint sans auréole « parcourut le monde comme le pardon divin », pour que les hommes se réconcilient avec Dieu, avec la nature et avec eux-mêmes.
Yves Leclair