Sauvons la colère de Léon Chestov
Trois essais de Léon Chestov portent sur la révolution russe. Ils sont rassemblés dans un volume publié par Le Bruit du temps. [...] En février 17, l’espérance en Russie était alors de grande mesure, le naufrage d’octobre fut de pareille envergure. C’est qu’avec les bolcheviks, note Chestov, « tout se fait sous l’ordre du verbe ; il s’agit seulement de se fier à lui hardiment. Et ils se sont fiés à lui. Les décrets pleuvent par milliers ». [...] La parole de Chestov, elle, [...] c’est la colère des prophètes. Elle réclame en toute chose la vérité et la justice : elle dénonce, elle poursuit ce qui les entrave et ce qui les caricature. La vérité, dans l’esprit de Chestov, est d’abord ce qui s’apprend pour ne pas être oublié. [...] « Il faut sauver la liberté », s’écrie Chestov. [...] Là où il y a lutte entre la vie et la mort, sous toutes leurs formes, là seulement est la liberté, et son inflorescence : la pensée. Léon Chestov, ce Job du vingtième siècle, à l’instar de son modèle biblique, n’est pas dans la plainte mais dans la protestation : il veut transmettre sa colère. Sauvons-la.
Christian Mouze