Croquis étrusques
En septembre 1932 paraissait, en Angleterre et aux États-Unis, Sketches of Etruscan Places, le dernier ouvrage de D.H. Lawrence, mort deux ans auparavant de la tuberculose. L'auteur de L'Amant de Lady Chatterleyétait un amoureux de l'Italie. Il en admirait la beauté, se passionnait pour son histoire et il appréciait la vitalité et le naturel de ses habitants dont il considérait les excès avec la plus grande indulgence. C'est tout naturellement qu'il s'intéresse aux Étrusques qui ont fondé la première grande civilisation de la péninsule. Il lui semblait percevoir, en admirant leurs œuvres et en particulier les peintures funéraires de Tarquinia, les premières traces de cette authenticité qu'il pensait être une particularité des Italiens et de leurs ancêtres. C'est ainsi qu'en avril 1927, il décida de séjourner en Toscane, à la découverte des principaux sites étrusques, en compagnie de son ami, le peintre et écrivain américain Earl Brewster. Il avait tout d'abord prévu d'arpenter toute l'Étrurie et de faire le récit de ses pérégrinations, mais, déjà bien malade, il ne put se rendre qu'à Cerveteri, Tarquinia, Vulci, Volterra et au musée archéologique de Florence. Lawrence nous entraîne dans son sillage, à la découverte des Étrusques qu'il idéalise souvent. Pourtant, s'il est poète et pas historien, on est souvent impressionné par la justesse de nombre de ses remarques sur une civilisation qui était encore bien mal connue à son époque. Son ouvrage n'est pas un simple guide de l'Étrurie antique, car Lawrence nous décrit avec précision et poésie les campagnes toscanes de l'entre-deux-guerres et il brosse des portraits saisissants des autochtones qu'il rencontre. On perçoit aussi son antipathie pour la Rome antique et son profond mépris pour le pouvoir fasciste qui s'en réclame l'héritier et qui s'installe alors en Italie. Sa véritable Italie, débordante de vie et généreuse, c'est celle des Étrusques qui lui parlent au cœur.
C'est sous le titre Croquis étrusques que les éditions Le Bruit du temps ont décidé de nous proposer une nouvelle traduction des Sketches of Etruscan Places. L'éditeur a confié l'établissement du texte à Jean-Baptiste de Seynes. Celui-ci nous offre une traduction remarquable qui respecte parfaitement, non seulement la précision de l'écriture de Lawrence, mais également la poésie du texte anglais. Ce travail magistral a été sublimé par l'éditeur qui a pris soin de respecter, non seulement le texte, mais également la forme que l'auteur voulait donner à son ouvrage. Ce beau livre est ainsi agrémenté des illustrations choisies par Lawrence, mais l'éditeur a pris soin de produire des clichés de grande qualité et a même souvent choisi de remplacer les illustrations originelles, en noir et blanc, par de superbes photographies en couleur qui rendent hommage à la beauté des fresques étrusques. Le texte de Lawrence est précédé d'une belle préface de Gabriel Levin et il est accompagné de la traduction de l'appareil critique, très utile, établi en 2002 par Simonetta de Filippis pour la Cambridge University Press. Les éditions Le Bruit du temps ont fait un travail de très grande qualité, tant sur le fond que sur la forme. Cette traduction restera une référence incontournable et l'ouvrage ravira les francophones amoureux des Étrusques, de l'Italie et de Lawrence.
Laurent Hugot
Laurent Hugot est maître de conférences en histoire ancienne, Université de La Rochelle