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Le 24 février 2022, la Russie a agressé l’Ukraine après avoir frappé d’interdit Memorial. Notre regard sur les écrits de Margolin ne peut être celui du lecteur de 1949 ou même de 2012. Si nous sommes saisis du même éblouissement à la lecture de ce livre captivant, bouleversant par son écriture et par tant d’intelligence humaine et politique, le contexte nous rend davantage sensible au côté politique de l’ouvrage. Certes, il est une de ces « œuvres-témoignages » selon l’expression forgée par Claude Mouchard, et nous pouvons réfléchir à ce que l’homme fait à l’homme et aux façons d’écrire les camps. Mais c’est aussi un formidable document sur l’URSS, sur sa guerre qui fait écho, quatre-vingts ans après, à la guerre que nous vivons. Ce qui rend l’ouvrage actuel et passionnant.
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Le Goulag du temps de la guerre est peuplé de toutes les nationalités : Polonais, Ouzbeks, Chinois, Tatars, Allemands… et Ukrainiens. Juifs et Ukrainiens, constate Margolin, « ont un vieux contentieux […] Mais dans les camps soviétiques, le Juif et l’Ukrainien étaient frères, et je compris que je pouvais ressentir de la sympathie pour ce peuple, le plus musicien et le plus spontané de tous les peuples slaves », un peuple qui n’a « jamais connu la liberté politique ». Et de prophétiser : « L’heure viendra sans doute où Juifs et Ukrainiens se rencontreront sur l’arène mondiale et non dans un camp ni dans les conditions d’un pogrome (…) mais comme deux peuples libres » (p. 671).
Par Annette Wieviorka
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