Aden - n°11 - Léon Chestov, Athènes et Jérusalem

 Aden - n°11 - Léon Chestov, Athènes et Jérusalem
01 octobre 2012

Léon Chestov, Athènes et Jérusalem 

Cette nouvelle édition d’Athènes et Jérusalem (1938), commentée annotée et présentée par Ramona Fotiade, est le deuxième volume des œuvres de Léon Chestov (après Le Pouvoir des clés) publié par Le Bruit du temps, dans le cadre d’un projet d’édition des œuvres complètes du philosophe russe. Ces dernières avaient déjà été précédemment rassemblées par Flammarion en 1967. Il est courant de voir des rééditions qui apportent peu, si ce n’est quelques changements cosmétiques. Ce n’est pas le cas ici.

Cette réédition répond tout d’abord à un besoin pratique. Nombre de textes de Chestov sont désormais épuisés et des inédits demeurent à publier en français. Ses travaux sont, par ailleurs, pétris de citations en grec et latin. Cette édition reprend la traduction originale de Boris de Schloezer, mais est complétée de moult notes de bas de page, rendant l’œuvre bien plus accessible (de plus, une chronologie établie par Ramona Fotiade éclaire le lecteur sur la vie et l’œuvre de Léon Chestov). C’est en effet surtout la présentation et le commentaire qui font de cette entreprise un succès. Maîtresse de conférences à l’Université de Glasgow et spécialiste de Chestov, Ramona Fotiade présente habilement l’œuvre de ce philosophe et montre tout à fait l’intérêt de revenir sur celle-ci.

Né à Kiev de parents juifs, Chestov a commencé sa carrière comme critique littéraire, commentant Dostoïevski et Tolstoï. Il a été vite accepté dans les cercles intellectuels et artistiques russes. L’œuvre de Chestov relaie et discute celle de Kierkegaard et de Nietzsche, et influencera entre autres les travaux de Georges Bataille et de Benjamin Fondane.

Dernier texte publié avant sa mort, Athènes et Jérusalem oppose, comme l’indique son titre, raison spéculative et pensée biblique, et constitue, comme le suggère Fotiade, « la synthèse de sa pensée » (p. 9). L’intérêt et la complexité de cette pensée, c’est de vouloir démontrer que la foi n’est par soumission ou renoncement. Au contraire, elle peut permettre, selon Chestov, de voir la liberté à venir là ou la raison prohiberait l’espoir : « [...] la portée du message de Chestov concernant le dépassement soudain des limites imposées par la raison, sous la menace de mort, pour retrouver les pleins pouvoirs de la volonté humaine capable d’arrêter la marche apparemment implacable de l’Histoire et l’inévitable du mal au nom de la vie et d’un irrépressible besoin de la liberté » (p. 24).

Pour conclure, il nous faut encore souligner l’utilité d’un projet qui renforce et complète notre connaissance de cette constellation d’auteurs et de philosophes d’Europe centrale, parfois oubliés et délaissés. De Martin Buber à Ossip Mandelstam, en passant donc par Chestov, il y a tout un pan de la mémoire intellectuelle de l’Europe du XXe siècle à conserver et à transmettre.

                                                                                                         R. J.