Actualité Juive - La couleur de la douleur

 Actualité Juive - La couleur de la douleur
19 janvier 2017

La couleur de la douleur

Comment faire parler un taiseux agoraphobe, peintre maudit qui peignait pour punir la toile comme on écorche une seconde peau et détruisait ses tableaux ? C’est ce à quoi s’est attelé, entre fiction et histoire vraie, l’écrivain et poète Ralph Dutli qui saisit Chaïm Soutine au seuil de la mort, saturé de morphine. Traqué par la Gestapo, le peintre de l’École de Paris (1893-1943) souffre d’un ulcère et regagne la capitale pour se faire opérer. Trimbalé dans un fourgon mortuaire, l’enfant de Smilovitchi revoit sa vie et perçoit sa mort telle une expérience de mort imminente. Les drogues, comme l’ont fait ses pinceaux avant elles, distordent la réalité indicible : les coups reçus au Shtetl, les pogroms, l’arrivée à la Ruche, l’Occupation, les déportations, la fin prochaine… Voilà ce que disent les maisons branlantes, les sols boueux, les lignes instables, les corps abîmés et noueux qui hantent l’œuvre, magnifique et douloureuse. À rebours du cri sans voix et de la danse sans mouvement recommandés aux Juifs par Rabbi Menahem Mendel de Vorki, les couleurs convulsives de Soutine plaident fiévreusement coupables. Face au pouvoir de l’image, il fallait les mots de Ralph Dutli pour mener, au terme d’une paradoxale « allégorie sur la vie humaine », Chaïm vers la mort.